Hodologia Experience

Et si...

**Marée basse sur Lyon, 2058**

Il est midi d’été, mais l’air reste étonnamment frais sur les quais végétalisés de la grande métropole. À marée basse, le Rhône élargi découvre ses nouvelles plages filtrantes, ceinturées de roselières. Nora, 16 ans, frôle du bout des doigts les galets tièdes, polis par les crues contrôlées. L’odeur est étrange : un mélange d’eau douce, d’algues et de pain qui sort des fours solaires des péniches-restaurants. 

— Tu te rends compte, papi, qu’avant on garait des voitures ici ? 
— On garait surtout nos angoisses, répond Malik, ancien ingénieur devenu guide bénévole les jours sans voiture. 

Autour d’eux, des familles déambulent à vélo, en trottinettes partagées. Les panneaux discrets rappellent le quota journalier de visiteurs pour la “Riviera urbaine” : 12 000 personnes, pas une de plus, décidé en assemblée citoyenne. Les jeunes “ambassadeurs de berge” prêtent gratuitement des jumelles, expliquent comment la renaturation a ramené les sternes, comment les vieux parkings souterrains stockent maintenant les crues. On entend les cris secs des mouettes mêlés au ronron étouffé d’une navette fluviale électrique. 

Nora photographie son grand-père, pieds dans l’eau, devant les tours-refuges anti-crue devenues ateliers d’artistes. L’ombre des ponts découpe des triangles sombres sur la plage claire. Quelqu’un au loin propose une visite guidée nocturne pour observer les castors : la ville semble reprendre son souffle, et le voyage commence à domicile.

**Marée basse sur Lyon, 2058**

Il est midi d’été, mais l’air reste étonnamment frais sur les quais végétalisés de la grande métropole. À marée basse, le Rhône élargi découvre ses nouvelles plages filtrantes, ceinturées de roselières. Nora, 16 ans, frôle du bout des doigts les galets tièdes, polis par les crues contrôlées. L’odeur est étrange : un mélange d’eau douce, d’algues et de pain qui sort des fours solaires des péniches-restaurants.

— Tu te rends compte, papi, qu’avant on garait des voitures ici ?
— On garait surtout nos angoisses, répond Malik, ancien ingénieur devenu guide bénévole les jours sans voiture.

Autour d’eux, des familles déambulent à vélo, en trottinettes partagées. Les panneaux discrets rappellent le quota journalier de visiteurs pour la “Riviera urbaine” : 12 000 personnes, pas une de plus, décidé en assemblée citoyenne. Les jeunes “ambassadeurs de berge” prêtent gratuitement des jumelles, expliquent comment la renaturation a ramené les sternes, comment les vieux parkings souterrains stockent maintenant les crues. On entend les cris secs des mouettes mêlés au ronron étouffé d’une navette fluviale électrique.

Nora photographie son grand-père, pieds dans l’eau, devant les tours-refuges anti-crue devenues ateliers d’artistes. L’ombre des ponts découpe des triangles sombres sur la plage claire. Quelqu’un au loin propose une visite guidée nocturne pour observer les castors : la ville semble reprendre son souffle, et le voyage commence à domicile.
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**Vallée alpine, 2058**

Midi d’été, dans la vallée de Lantz, devenue « parc naturel habité ». Les cloches des vaches sonnent en écho, mélangées au chuchotement du télétrain qui s’arrête sans bruit devant l’ancienne gare. Lina, 17 ans, descend avec son sac de graines à la main. À côté d’elle, Jonas, guide‑paysan, sourit sous son chapeau de paille solaire. 
— Bienvenue en workation régénérative, lance-t-il. Ici, ton badge ne compte pas tes pas, mais les mètres de haies que tu aides à replanter. 

Ils rejoignent à pied l’écolodge communal, un ancien hôtel reconfiguré en modules bois‑paille. L’air sent la résine chaude et l’herbe fraîchement fauchée. Sur la terrasse, un tableau affiche les « quotas doux » : 320 lits max pour la vallée, jamais plus. Les visiteurs restent au moins une semaine, en échange d’une demi‑journée de contribution locale. Lina a choisi le programme « rivières fraîches » : diagnostics participatifs des torrents, renfort aux équipes qui entretiennent les ombrages pour limiter l’évaporation. 

Plus tard, les nuages s’amoncellent sur les cimes, mais l’ambiance reste légère. Jonas montre le vieux télésiège, reconverti en observatoire de biodiversité. Les touristes y laissent aujourd’hui des histoires plutôt que du plastique. Au loin, un groupe plante une rangée d’arbres qui dessine déjà une future haie. Une brise se lève, fait vibrer les feuilles ; quelque part, dans ce paysage en travaux, le prochain voyage commence.

**Vallée alpine, 2058**

Midi d’été, dans la vallée de Lantz, devenue « parc naturel habité ». Les cloches des vaches sonnent en écho, mélangées au chuchotement du télétrain qui s’arrête sans bruit devant l’ancienne gare. Lina, 17 ans, descend avec son sac de graines à la main. À côté d’elle, Jonas, guide‑paysan, sourit sous son chapeau de paille solaire.
— Bienvenue en workation régénérative, lance-t-il. Ici, ton badge ne compte pas tes pas, mais les mètres de haies que tu aides à replanter.

Ils rejoignent à pied l’écolodge communal, un ancien hôtel reconfiguré en modules bois‑paille. L’air sent la résine chaude et l’herbe fraîchement fauchée. Sur la terrasse, un tableau affiche les « quotas doux » : 320 lits max pour la vallée, jamais plus. Les visiteurs restent au moins une semaine, en échange d’une demi‑journée de contribution locale. Lina a choisi le programme « rivières fraîches » : diagnostics participatifs des torrents, renfort aux équipes qui entretiennent les ombrages pour limiter l’évaporation.

Plus tard, les nuages s’amoncellent sur les cimes, mais l’ambiance reste légère. Jonas montre le vieux télésiège, reconverti en observatoire de biodiversité. Les touristes y laissent aujourd’hui des histoires plutôt que du plastique. Au loin, un groupe plante une rangée d’arbres qui dessine déjà une future haie. Une brise se lève, fait vibrer les feuilles ; quelque part, dans ce paysage en travaux, le prochain voyage commence.
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Vallée alpine, 2058 

À midi d’été, la petite place de la vallée de Lagrün bourdonne d’un silence étrange : pas un moteur, seulement le froissement des pneus de vélos partagés et le cliquetis lointain d’une fontaine recyclant l’eau de pluie. Jour sans voiture obligatoire, comme tous les samedis depuis le grand plan « 50 % de CO₂ en moins ». Léa, 17 ans, renifle l’odeur de sapin chauffé au soleil en descendant de la navette autonome qui l’a déposée en lisière du village. 

— C’est donc ça, des vacances “lentes” ? demande-t-elle. 
— Ici, on ne consomme pas la montagne, on lui rend du temps, répond Samir, guide et fils de paysans, en ajustant son chapeau. 

Ils contournent l’ancien parking transformé en prairie humide pédagogique, où les enfants observent des libellules. Les hôtels en bois local affichent fièrement leurs toitures plantées : contrat de sobriété énergétique signé avec la commune, pas de jacuzzi, mais un bain nordique commun chauffé au solaire. Les touristes restent en moyenne quinze jours, participent à la fenaison, aux comptages de papillons, au comité de décision citoyen qui fixe les quotas de visiteurs pour l’été suivant. 

Léa pose la main sur une pierre rugueuse, écoute le vent dans les haies restaurées et se demande, un peu surprise, à quel moment exact elle est devenue, elle aussi, une pièce du paysage qui se réinvente.

Vallée alpine, 2058

À midi d’été, la petite place de la vallée de Lagrün bourdonne d’un silence étrange : pas un moteur, seulement le froissement des pneus de vélos partagés et le cliquetis lointain d’une fontaine recyclant l’eau de pluie. Jour sans voiture obligatoire, comme tous les samedis depuis le grand plan « 50 % de CO₂ en moins ». Léa, 17 ans, renifle l’odeur de sapin chauffé au soleil en descendant de la navette autonome qui l’a déposée en lisière du village.

— C’est donc ça, des vacances “lentes” ? demande-t-elle.
— Ici, on ne consomme pas la montagne, on lui rend du temps, répond Samir, guide et fils de paysans, en ajustant son chapeau.

Ils contournent l’ancien parking transformé en prairie humide pédagogique, où les enfants observent des libellules. Les hôtels en bois local affichent fièrement leurs toitures plantées : contrat de sobriété énergétique signé avec la commune, pas de jacuzzi, mais un bain nordique commun chauffé au solaire. Les touristes restent en moyenne quinze jours, participent à la fenaison, aux comptages de papillons, au comité de décision citoyen qui fixe les quotas de visiteurs pour l’été suivant.

Léa pose la main sur une pierre rugueuse, écoute le vent dans les haies restaurées et se demande, un peu surprise, à quel moment exact elle est devenue, elle aussi, une pièce du paysage qui se réinvente.
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Vallée alpine, 2052 

Midi d’été, à Val-Clair, l’ancienne station de ski devenue “commune-resort quatre saisons”. Les vélos-bus silencieux glissent sur la route fermée aux voitures depuis le matin, clochettes des vaches en fond sonore. Le téléphérique, reconverti en navette pour randonneurs et télétravailleurs, affiche complet, mais la file reste courte : le système de quotas coupe les réservations dès 1 200 visiteurs par jour. 

Je guide Lina, 16 ans, en stage d’été à l’office de tourisme citoyen. 
— Donc… avant, les gens venaient juste pour descendre la montagne et repartir ? 
— Oui. Aujourd’hui ils restent trois semaines, réponds-je. Ils bossent le matin, plantent des haies l’après-midi, et se plaignent seulement du pain trop bon. 
Elle rit. L’air sent le foin chaud et la résine, avec une pointe métallique quand le vieux canon à neige transformé en brumisateur se déclenche pour rafraîchir la place. Les affiches “Ici l’eau vaut plus que l’or” rappellent que chaque hébergement doit rester sous 80 litres par personne et par jour. 

Du café associatif sort un brouhaha de langues et l’odeur de soupe d’orties. Un groupe de télétravailleurs ferme leurs écrans pour partir réparer les murets en pierre sèche. Au loin, les sommets sans neige scintillent, ceints de nouvelles forêts. Et la journée commence vraiment quand le premier randonneur tend spontanément la main pour porter le sac d’un autre.

Vallée alpine, 2052

Midi d’été, à Val-Clair, l’ancienne station de ski devenue “commune-resort quatre saisons”. Les vélos-bus silencieux glissent sur la route fermée aux voitures depuis le matin, clochettes des vaches en fond sonore. Le téléphérique, reconverti en navette pour randonneurs et télétravailleurs, affiche complet, mais la file reste courte : le système de quotas coupe les réservations dès 1 200 visiteurs par jour.

Je guide Lina, 16 ans, en stage d’été à l’office de tourisme citoyen.
— Donc… avant, les gens venaient juste pour descendre la montagne et repartir ?
— Oui. Aujourd’hui ils restent trois semaines, réponds-je. Ils bossent le matin, plantent des haies l’après-midi, et se plaignent seulement du pain trop bon.
Elle rit. L’air sent le foin chaud et la résine, avec une pointe métallique quand le vieux canon à neige transformé en brumisateur se déclenche pour rafraîchir la place. Les affiches “Ici l’eau vaut plus que l’or” rappellent que chaque hébergement doit rester sous 80 litres par personne et par jour.

Du café associatif sort un brouhaha de langues et l’odeur de soupe d’orties. Un groupe de télétravailleurs ferme leurs écrans pour partir réparer les murets en pierre sèche. Au loin, les sommets sans neige scintillent, ceints de nouvelles forêts. Et la journée commence vraiment quand le premier randonneur tend spontanément la main pour porter le sac d’un autre.
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**Vallée alpine sans voiture, 2052**

Midi d’été, à Saint-Laurent-sur-Glacier, la cloche de l’église sonne pendant que la navette autonome grimpe en silence. Par la vitre, Inès regarde les pâturages en terrasses, là où passaient autrefois les cars de touristes. À côté d’elle, Malik, garde-nature devenu médiateur mobilité, sourit en montrant le vieux parking reconverti en verger partagé. 
— Avant, ici, c’était 800 voitures par jour en haute saison. Maintenant, on limite à 2 000 visiteurs, mais on les garde plus longtemps, dit-il. 
Une odeur de foin coupé entre par la fenêtre entrouverte, couvrant à peine celle, discrète, du freinage électrique.

Sur la place du village, les vélos en libre-service remplacent les files de SUV. Un groupe de jeunes, sacs à dos légers, scanne le totem en bois : l’appli propose randos, ateliers de fromages, temps calme au bord du torrent. Pas de packages, juste des combinaisons possibles, co-construites avec les habitants. La charte locale oblige les hébergements à l’énergie positive et le séjour inclut une demi-journée de “coup de main” à la restauration des sentiers.

Le tonnerre au loin rappelle que le glacier au-dessus recule encore. Inès lève son téléphone, hésite à filmer. Puis elle le range : elle préfère écouter le bourdonnement de l’eau, les rires sur la place, et penser à ce qu’ils pourraient encore inventer, ensemble, pour la saison prochaine.

**Vallée alpine sans voiture, 2052**

Midi d’été, à Saint-Laurent-sur-Glacier, la cloche de l’église sonne pendant que la navette autonome grimpe en silence. Par la vitre, Inès regarde les pâturages en terrasses, là où passaient autrefois les cars de touristes. À côté d’elle, Malik, garde-nature devenu médiateur mobilité, sourit en montrant le vieux parking reconverti en verger partagé.
— Avant, ici, c’était 800 voitures par jour en haute saison. Maintenant, on limite à 2 000 visiteurs, mais on les garde plus longtemps, dit-il.
Une odeur de foin coupé entre par la fenêtre entrouverte, couvrant à peine celle, discrète, du freinage électrique.

Sur la place du village, les vélos en libre-service remplacent les files de SUV. Un groupe de jeunes, sacs à dos légers, scanne le totem en bois : l’appli propose randos, ateliers de fromages, temps calme au bord du torrent. Pas de packages, juste des combinaisons possibles, co-construites avec les habitants. La charte locale oblige les hébergements à l’énergie positive et le séjour inclut une demi-journée de “coup de main” à la restauration des sentiers.

Le tonnerre au loin rappelle que le glacier au-dessus recule encore. Inès lève son téléphone, hésite à filmer. Puis elle le range : elle préfère écouter le bourdonnement de l’eau, les rires sur la place, et penser à ce qu’ils pourraient encore inventer, ensemble, pour la saison prochaine.
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**Vallée alpine, 2068**

Midi d’été, la cloche de l’église sonne doucement dans la vallée. Léo gare son vélo à assistance partagée devant la petite gare en bois. L’ancienne station de ski, au-dessus, est devenue un parc naturel habité. Sur le panneau, il lit : « Réservation obligatoire, 1 500 visiteurs/jour max – Conseil citoyen de la vallée ». À côté de lui, Aïcha, la guide, ajuste son chapeau en chanvre recyclé.

— Tu savais qu’ici on ne chauffe plus les hôtels depuis dix ans ? Juste des maisons-passoires transformées en gîtes solaires. 
— Et les skis ? demande Léo. 
— Musée. Maintenant on répare les pentes, pas les dameuses.

Ils montent dans la navette électrique commune, qui serpente lentement vers l’ancien front de neige. L’air sent la résine et la pierre chaude. Le bruit régulier des cloches des brebis couvre à peine le chuchotement du moteur. Aïcha lui montre les terrasses replantées en prairie, adoptées par les visiteurs via un micro-prélèvement sur chaque nuitée.

En haut, la foule est calme : ateliers de restauration de murets, balade botanique, sieste à l’ombre des panneaux solaires bifaciaux. Léo passe la main sur une roche striée, vestige d’un glacier disparu, pendant qu’un groupe de jeunes débat du prochain budget participatif touristique.

Au loin, la vallée bruisse doucement, comme en attente, et quelqu’un propose d’aller voir ce qui pousse derrière l’ancienne piste noire.

**Vallée alpine, 2068**

Midi d’été, la cloche de l’église sonne doucement dans la vallée. Léo gare son vélo à assistance partagée devant la petite gare en bois. L’ancienne station de ski, au-dessus, est devenue un parc naturel habité. Sur le panneau, il lit : « Réservation obligatoire, 1 500 visiteurs/jour max – Conseil citoyen de la vallée ». À côté de lui, Aïcha, la guide, ajuste son chapeau en chanvre recyclé.

— Tu savais qu’ici on ne chauffe plus les hôtels depuis dix ans ? Juste des maisons-passoires transformées en gîtes solaires.
— Et les skis ? demande Léo.
— Musée. Maintenant on répare les pentes, pas les dameuses.

Ils montent dans la navette électrique commune, qui serpente lentement vers l’ancien front de neige. L’air sent la résine et la pierre chaude. Le bruit régulier des cloches des brebis couvre à peine le chuchotement du moteur. Aïcha lui montre les terrasses replantées en prairie, adoptées par les visiteurs via un micro-prélèvement sur chaque nuitée.

En haut, la foule est calme : ateliers de restauration de murets, balade botanique, sieste à l’ombre des panneaux solaires bifaciaux. Léo passe la main sur une roche striée, vestige d’un glacier disparu, pendant qu’un groupe de jeunes débat du prochain budget participatif touristique.

Au loin, la vallée bruisse doucement, comme en attente, et quelqu’un propose d’aller voir ce qui pousse derrière l’ancienne piste noire.
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Cap sur la vallée basse, 2052 

Midi d’été, vallée alpine reconvertie. Les anciens télésièges rouillent doucement au-dessus des prairies restaurées, remplacées par des sentiers ombragés. Lila, 26 ans, arrive avec son petit sac à dos ; son train de nuit depuis Paris a mis neuf heures, les vols courts sont interdits depuis dix ans sur ces liaisons. Amir, guide local et co‑gérant de la coopérative, l’attend près de la fontaine, où coule une eau recyclée et surveillée au litre près par la commune. L’air sent le foin chaud et la résine, une cloche tinte au loin. 

— Alors, prête pour trois heures de « tourisme utile » ? sourit Amir. 
— Je croyais venir en vacances, proteste Lila. 
— Justement. Ici, chaque visiteur signe pour au moins une action régénérative. Tu as coché « restauration des zones humides ». 
Ils marchent jusqu’à l’ancienne piste bleue, devenue corridor pour amphibiens. Le sol spongieux sous leurs bottes, le bourdonnement des abeilles, les planches en bois de mélèze non traité sous leurs mains. La coopérative limite l’accueil à 2 000 visiteurs par saison et publie chaque année un bilan eau-biodiversité, consulté comme un palmarès de festival. 

Lila plante son premier carex dans la tourbe fraîche, étonnée d’être émue par un brin d’herbe. Le soleil tape, un orage couve derrière les crêtes. Et la journée ne fait que commencer à inventer une autre façon de voyager.

Cap sur la vallée basse, 2052

Midi d’été, vallée alpine reconvertie. Les anciens télésièges rouillent doucement au-dessus des prairies restaurées, remplacées par des sentiers ombragés. Lila, 26 ans, arrive avec son petit sac à dos ; son train de nuit depuis Paris a mis neuf heures, les vols courts sont interdits depuis dix ans sur ces liaisons. Amir, guide local et co‑gérant de la coopérative, l’attend près de la fontaine, où coule une eau recyclée et surveillée au litre près par la commune. L’air sent le foin chaud et la résine, une cloche tinte au loin.

— Alors, prête pour trois heures de « tourisme utile » ? sourit Amir.
— Je croyais venir en vacances, proteste Lila.
— Justement. Ici, chaque visiteur signe pour au moins une action régénérative. Tu as coché « restauration des zones humides ».
Ils marchent jusqu’à l’ancienne piste bleue, devenue corridor pour amphibiens. Le sol spongieux sous leurs bottes, le bourdonnement des abeilles, les planches en bois de mélèze non traité sous leurs mains. La coopérative limite l’accueil à 2 000 visiteurs par saison et publie chaque année un bilan eau-biodiversité, consulté comme un palmarès de festival.

Lila plante son premier carex dans la tourbe fraîche, étonnée d’être émue par un brin d’herbe. Le soleil tape, un orage couve derrière les crêtes. Et la journée ne fait que commencer à inventer une autre façon de voyager.
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Marée basse sur la ville, 2074 

Midi d’été, marée basse, dans la métropole littorale de Saint-Malo élargie. Les vieux remparts regardent les quais plantés de roseaux filtrants, les ferries électriques glissent sans bruit, juste un léger chuintement d’hélices. Aïcha, guide locale devenue “médiatrice des marées”, attend son groupe sous l’ancienne porte Saint-Vincent, fermée aux voitures depuis vingt ans. À côté d’elle, Malik, 14 ans, traîne son sac en chanvre recyclé. 

— Donc on ne va pas à la plage ? 
— On y va, répond Aïcha, mais d’abord on regarde comment elle tient encore debout. 

Elle montre les cartes affichées sur le mur : courbes de niveau, zones inondables, lignes rouges des anciens parkings à touristes. La ville a relevé ses quais de 80 centimètres, déplacé trois hôtels en modules réemployés, instauré un quota journalier d’entrées intra-muros. Les “pass marée” synchronisent trains, navettes à voile et vélos partagés, pour lisser les flux. On sent l’odeur iodée mêlée à celle des algues cultivées sur les digues-récifs, que des habitants exploitent en coopérative touristique. 

Le groupe descend vers l’estran. Les pas crissent sur le sable humidifié, des enfants plantent de jeunes zostères dans le cadre d’un “séjour régénératif”. Malik filme, puis range son téléphone. Devant lui, les ruelles sont silencieuses, le vent claque sur les drapeaux de signal de marée, et la ville semble retenir son souffle, précisément au moment où la mer commence à revenir.

Marée basse sur la ville, 2074

Midi d’été, marée basse, dans la métropole littorale de Saint-Malo élargie. Les vieux remparts regardent les quais plantés de roseaux filtrants, les ferries électriques glissent sans bruit, juste un léger chuintement d’hélices. Aïcha, guide locale devenue “médiatrice des marées”, attend son groupe sous l’ancienne porte Saint-Vincent, fermée aux voitures depuis vingt ans. À côté d’elle, Malik, 14 ans, traîne son sac en chanvre recyclé.

— Donc on ne va pas à la plage ?
— On y va, répond Aïcha, mais d’abord on regarde comment elle tient encore debout.

Elle montre les cartes affichées sur le mur : courbes de niveau, zones inondables, lignes rouges des anciens parkings à touristes. La ville a relevé ses quais de 80 centimètres, déplacé trois hôtels en modules réemployés, instauré un quota journalier d’entrées intra-muros. Les “pass marée” synchronisent trains, navettes à voile et vélos partagés, pour lisser les flux. On sent l’odeur iodée mêlée à celle des algues cultivées sur les digues-récifs, que des habitants exploitent en coopérative touristique.

Le groupe descend vers l’estran. Les pas crissent sur le sable humidifié, des enfants plantent de jeunes zostères dans le cadre d’un “séjour régénératif”. Malik filme, puis range son téléphone. Devant lui, les ruelles sont silencieuses, le vent claque sur les drapeaux de signal de marée, et la ville semble retenir son souffle, précisément au moment où la mer commence à revenir.
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**Marée basse à Brest, 2068**

Midi d’été sur le quai désarmé de voitures. Brest bruisse d’un vrombissement doux de tram-maritime à hydrogène, mais ici, au fond de la rade, on entend surtout le clapotis des coques partagées. Marée basse : les algues luisent, dégageant une odeur d’iode et de métal rouillé. Lina, 17 ans, scanne son bracelet de mobilité sur le panneau en bois recyclé : « Covoile – départ toutes les 20 minutes. Priorité aux habitants. » 

— T’es sûre qu’ils voudront de touristes en plus, mamie ? 
— On n’est plus “en plus”, on est utiles, répond Jeanne, 72 ans, guide bénévole à ses heures.

Leur bateau électrique partagé embarque huit personnes, deux vélos pliants et un couple de retraités allemands. À bord, l’écran indique les flux : « Affluence modérée, empreinte carbone du trajet : 0,2 kg eqCO₂, compensée par la nurserie d’huîtres restaurée sous vos pieds. » Jeanne commente, plus fière que le capitaine : « Depuis qu’ils ont limité à un seul accès motorisé par foyer et mis la taxe haute-saison sur les vans, les gens restent plus longtemps. Ils apprennent à s’orienter avec le vent, pas avec un GPS. »

La coque glisse sur l’eau verte, frôle les jardins de moules suspendues, et la ville apparaît, piétonne, blanche de lumière, comme posée sur la mer qui remonte déjà, lentement, pour redistribuer les cartes.

**Marée basse à Brest, 2068**

Midi d’été sur le quai désarmé de voitures. Brest bruisse d’un vrombissement doux de tram-maritime à hydrogène, mais ici, au fond de la rade, on entend surtout le clapotis des coques partagées. Marée basse : les algues luisent, dégageant une odeur d’iode et de métal rouillé. Lina, 17 ans, scanne son bracelet de mobilité sur le panneau en bois recyclé : « Covoile – départ toutes les 20 minutes. Priorité aux habitants. »

— T’es sûre qu’ils voudront de touristes en plus, mamie ?
— On n’est plus “en plus”, on est utiles, répond Jeanne, 72 ans, guide bénévole à ses heures.

Leur bateau électrique partagé embarque huit personnes, deux vélos pliants et un couple de retraités allemands. À bord, l’écran indique les flux : « Affluence modérée, empreinte carbone du trajet : 0,2 kg eqCO₂, compensée par la nurserie d’huîtres restaurée sous vos pieds. » Jeanne commente, plus fière que le capitaine : « Depuis qu’ils ont limité à un seul accès motorisé par foyer et mis la taxe haute-saison sur les vans, les gens restent plus longtemps. Ils apprennent à s’orienter avec le vent, pas avec un GPS. »

La coque glisse sur l’eau verte, frôle les jardins de moules suspendues, et la ville apparaît, piétonne, blanche de lumière, comme posée sur la mer qui remonte déjà, lentement, pour redistribuer les cartes.
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**Marée basse à Belle-Île, 2068**

C’est la veille de fermeture de saison, et la crique réhabilitée bourdonne juste assez pour ne pas déranger les gravelots. L’odeur d’algues sèches se mêle au café d’orge qu’Amel sert depuis son kiosque démontable, branché sur la micro‑centrale marémotrice de la commune. L’îlot corallien, autrefois grignoté par l’élévation marine, tient grâce aux récifs artificiels en bois minéralisé et à la règle simple votée en 2052 : pas plus de 500 visiteurs par marée. 

— Tu te rends compte, Amel, en 2020 on parlait encore de “surtourisme”, lance Hugo, son dernier client, en rinçant ses pieds dans le bac d’eau recyclée. 
— On en parle toujours, répond‑elle en souriant. La différence, c’est que maintenant on a un bouton “pause”. 

Au loin, la navette à voile électrique repart vers le continent, silencieuse comme un chat. La vie locale s’est adaptée : les pêcheurs sont devenus guides de récifs, les anciens parkings sont des jardins salés, et chaque nuit les habitants valident en ligne la jauge du lendemain, comme on vérifie la météo. La marée se retire lentement, découvrant les coraux regreffés qui scintillent sous la lumière rasante. Amel baisse le volet de bois de son kiosque, sent sous ses doigts le grain rugueux du pin recyclé, et se dit qu’il reste justement assez de temps pour imaginer la prochaine saison autrement.

**Marée basse à Belle-Île, 2068**

C’est la veille de fermeture de saison, et la crique réhabilitée bourdonne juste assez pour ne pas déranger les gravelots. L’odeur d’algues sèches se mêle au café d’orge qu’Amel sert depuis son kiosque démontable, branché sur la micro‑centrale marémotrice de la commune. L’îlot corallien, autrefois grignoté par l’élévation marine, tient grâce aux récifs artificiels en bois minéralisé et à la règle simple votée en 2052 : pas plus de 500 visiteurs par marée.

— Tu te rends compte, Amel, en 2020 on parlait encore de “surtourisme”, lance Hugo, son dernier client, en rinçant ses pieds dans le bac d’eau recyclée.
— On en parle toujours, répond‑elle en souriant. La différence, c’est que maintenant on a un bouton “pause”.

Au loin, la navette à voile électrique repart vers le continent, silencieuse comme un chat. La vie locale s’est adaptée : les pêcheurs sont devenus guides de récifs, les anciens parkings sont des jardins salés, et chaque nuit les habitants valident en ligne la jauge du lendemain, comme on vérifie la météo. La marée se retire lentement, découvrant les coraux regreffés qui scintillent sous la lumière rasante. Amel baisse le volet de bois de son kiosque, sent sous ses doigts le grain rugueux du pin recyclé, et se dit qu’il reste justement assez de temps pour imaginer la prochaine saison autrement.
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**Vallée alpine, 2068**

Midi d’été dans la Vallée Claire, ex‑station de ski devenue parc alpin quatre saisons. Le gravier du sentier crisse sous nos pas, encore humide après la mini‑averse de midi. J’accompagne mon dernier groupe de la semaine, quinze ados venus en « classe climatique ». Le télésiège d’autrefois, couvert de panneaux solaires, ronronne doucement au‑dessus de nos têtes, transformé en observatoire mobile de la flore. 

— C’est vrai que vous faisiez de la neige ici, en plein avril ? demande Lila, casque audio autour du cou. 
— Oui. On pompait l’eau du torrent pour la projeter sur les pistes. Aujourd’hui, le torrent alimente plutôt les mares restaurées plus bas, et c’est vous qui fabriquez la neige… en modèle climatique, sur vos tablettes. 

On atteint l’ancienne gare de départ, devenue « Maison des Saisons ». L’odeur de résine de mélèze fraîchement taillé se mêle au fumet du repas préparé par la cantine locale, qui affiche au mur la règle votée par la vallée en 2055 : pas plus de 4 000 nuitées touristiques simultanées. Les ados valident sur l’appli de la vallée leurs heures de bénévolat du matin, passées à replanter des arbustes dans la zone d’anciennes pistes. 

Au loin, la montagne se reflète dans un réservoir reconverti en lac de baignade. Un des garçons lance un caillou, les cercles s’élargissent lentement : c’est à leur tour de décider jusqu’où ils les laisseront aller.

**Vallée alpine, 2068**

Midi d’été dans la Vallée Claire, ex‑station de ski devenue parc alpin quatre saisons. Le gravier du sentier crisse sous nos pas, encore humide après la mini‑averse de midi. J’accompagne mon dernier groupe de la semaine, quinze ados venus en « classe climatique ». Le télésiège d’autrefois, couvert de panneaux solaires, ronronne doucement au‑dessus de nos têtes, transformé en observatoire mobile de la flore.

— C’est vrai que vous faisiez de la neige ici, en plein avril ? demande Lila, casque audio autour du cou.
— Oui. On pompait l’eau du torrent pour la projeter sur les pistes. Aujourd’hui, le torrent alimente plutôt les mares restaurées plus bas, et c’est vous qui fabriquez la neige… en modèle climatique, sur vos tablettes.

On atteint l’ancienne gare de départ, devenue « Maison des Saisons ». L’odeur de résine de mélèze fraîchement taillé se mêle au fumet du repas préparé par la cantine locale, qui affiche au mur la règle votée par la vallée en 2055 : pas plus de 4 000 nuitées touristiques simultanées. Les ados valident sur l’appli de la vallée leurs heures de bénévolat du matin, passées à replanter des arbustes dans la zone d’anciennes pistes.

Au loin, la montagne se reflète dans un réservoir reconverti en lac de baignade. Un des garçons lance un caillou, les cercles s’élargissent lentement : c’est à leur tour de décider jusqu’où ils les laisseront aller.
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Métropole littorale, 2083 

À Marseille‑Rivage, jour sans voiture, même la rumeur du Vieux‑Port a changé de texture. On entend surtout le froissement des voiles des navettes électriques et le crissement discret des valises sur les pavés refroidis par l’ombre des toiles solaires. Nora, directrice de l’office de tourisme, observe le tableau depuis le toit‑jardin de l’ancienne gare maritime, transformée en hub intermodal bas carbone. 
— Tu te rends compte, Lucas, on a coupé les derniers parkings de surface il y a dix ans, et les visiteurs reviennent plus longtemps. 
Le guide sourit, sa tablette en bois recyclé sous le bras. 
— Cinq jours de séjour moyen, contre trois en 2050. Ils ont le temps de marcher, forcément. 

À midi, l’odeur d’algues et de pain chaud remonte des ruelles piétonnes. Une famille descend d’un bateau‑tram à hydrogène, regard un peu perdu. Lucas les accueille : 
— Train de nuit, bateau, vélos partagés compris dans le pass, vous n’avez rien raté, vous avez juste ralenti. 
Nora repense aux années d’inondations et d’embouteillages : aujourd’hui, la taxe d’accès maritime finance les digues‑humides végétalisées, et les habitants gèrent eux‑mêmes les quotas journaliers via une coopérative citoyenne. 

Au loin, les mâts des navettes oscillent comme une petite forêt blanche, et la ville respire au rythme des pas plutôt que des moteurs, pendant qu’un premier groupe s’avance déjà vers la jetée pour inventer sa propre façon d’arriver.

Métropole littorale, 2083

À Marseille‑Rivage, jour sans voiture, même la rumeur du Vieux‑Port a changé de texture. On entend surtout le froissement des voiles des navettes électriques et le crissement discret des valises sur les pavés refroidis par l’ombre des toiles solaires. Nora, directrice de l’office de tourisme, observe le tableau depuis le toit‑jardin de l’ancienne gare maritime, transformée en hub intermodal bas carbone.
— Tu te rends compte, Lucas, on a coupé les derniers parkings de surface il y a dix ans, et les visiteurs reviennent plus longtemps.
Le guide sourit, sa tablette en bois recyclé sous le bras.
— Cinq jours de séjour moyen, contre trois en 2050. Ils ont le temps de marcher, forcément.

À midi, l’odeur d’algues et de pain chaud remonte des ruelles piétonnes. Une famille descend d’un bateau‑tram à hydrogène, regard un peu perdu. Lucas les accueille :
— Train de nuit, bateau, vélos partagés compris dans le pass, vous n’avez rien raté, vous avez juste ralenti.
Nora repense aux années d’inondations et d’embouteillages : aujourd’hui, la taxe d’accès maritime finance les digues‑humides végétalisées, et les habitants gèrent eux‑mêmes les quotas journaliers via une coopérative citoyenne.

Au loin, les mâts des navettes oscillent comme une petite forêt blanche, et la ville respire au rythme des pas plutôt que des moteurs, pendant qu’un premier groupe s’avance déjà vers la jetée pour inventer sa propre façon d’arriver.
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